Sortie en salle 24/01/2018
Film Franco-polonais de Marie-Noëlle Sehr – 99’
Avec Karolina Gruszka, Arieh Worthalter, Charles Berling
Par Jean-Louis Requena
Marie Curie (1867-1934) est une femme de science(s) mondialement connue. Son parcours en temps qu’intellectuelle scientifique de haut vol, épouse, mère de famille (2 enfants) est proprement romanesque. C’est une femme de caractère, obstinée dans ses prises de positions, avec un « cerveau d’homme » pour ses contemporains. En 1891, elle quitte sa Pologne natale alors sous le joug russe pour s’installer à Paris et, ainsi, poursuivre, dans la capitale scientifique de l’Europe, de très brillantes études : première dans toutes les matières étudiées devant des cohortes d’hommes. En 1895, elle épouse Pierre Curie et avec lui, se lance dans d’intenses recherches sur les propriétés des « rayons de Becquerel ». Elle en fera sa thèse de doctorat : c’est une révolution scientifique. Tous les travaux qu’elle mène conjointement avec son mari se font dans des conditions d’hygiène lamentables à l’École Municipale de Physique et de Chimie Industrielle de Paris. Un chercheur allemand leur rendant visite écrira « le laboratoire tenait à la fois de l’étable et du hangar à pommes de terre ».
En 1903, grâce à l’intervention de son mari (elle en avait été injustement écartée), elle obtient le prix Nobel de physique conjointement à ce dernier et à Henri Becquerel. En 1906 son mari meurt accidentellement. Accablée de chagrin, mais déterminée, elle reprend ses travaux et obtient en 1911 son deuxième Prix Nobel cette fois en chimie ! Très active durant la Grande Guerre (1914-1918) elle initiera les « ambulances radiologiques » surnommées « les petites curies » qui ont sauvé des milliers de militaires blessés.
En 1911, à la veille de recevoir son deuxième Prix Nobel éclate l’affaire Langevin. Paul Langevin (1872-1946) a une liaison extra-conjugale avec l’étrangère, la « polonaise ». C’est un énorme scandale entretenu par les publications de caniveaux que Marie Curie affronte. De nos jours, ces vociférations nauséabondes autour de cette histoire d’amour, nous paraissent désuètes au regard de l’extraordinaire personnalité de Marie Curie.
Marie-Noëlle Sehr dont c’est le premier film en tant que réalisatrice, nous propose un sage « biopic » documenté de cette femme hors norme que fut Marie Curie : une intellectuelle combattante, déterminée à faire sa place au milieu d’hommes condescendants pour les meilleurs, franchement misogynes pour la plupart, voire xénophobes pour certains. La réalisatrice a choisi le cheminement chronologique pour son premier opus. C’est le chemin le plus cohérent pour la compréhension du spectateur mais le moins intéressant sur le plan cinématographique : on illustre les péripéties d’une manière plus ou moins réussie selon le budget et les acteurs dont on dispose. Dans ce long métrage force est de reconnaître que la reconstitution est soignée et les acteurs excellents : Karolina Gruszka (Marie Curie), Paul Langevin (Arieh Worthalter), Pierre Curie (Charles Berling), etc.
Les scènes prévisibles à faire dans le genre « biopic » sont là. Le laboratoire de l’École municipale de physique et chimie industrielles est encombré d’appareils « bricolés » qui nous paraissent d’une rusticité confondante. L’on mesure ainsi la dose d’ingéniosité qu’il a fallu déployer pour en obtenir des mesures fiables des rayonnements observés.
La seconde partie du film est plus faible : la relation amoureuse entre Marie Curie (44 ans) et Paul Langevin est en quelque sorte romancée, idéalisée. Marie Curie était une femme certes fort énergique, attirante par là même, mais physiquement « abîmée » par de longues expositions aux substances radioactives. De surcroit, la violence éditoriale des journaux à scandale, fort nombreux à cette époque, méritait un développement plus ample.
Il n’en reste pas moins que ce genre cinématographique, « biopic », même par trop scolaire mérite notre attention. C’est un plaidoyer en faveur de l ‘émancipation féminine d’une femme cinéaste pour une femme illustre. La longue bataille n’est pas gagnée : le machisme bouge encore !
Jean-Louis Requena