Film américain de Steven Spielberg-151’
Avec Gabriel LaBelle, Michelle Williams, Paul Dano.
En 1952, dans l’état du New Jersey, le jeune Samuel « Sammy » (Mateo Zoryan Francis-DeFord), un enfant de 8 ans, se rend dans une grande salle obscure avec ses parents Mitzi Fabelman (Michelle Williams) sa mère, et Burt Fabelman (Paul Dano) son père, pour visionner son premier film : Sous le plus grand chapiteau du monde (1952) de Cecil B. De Mille (1881/1959). Sammy est fortement impressionné par la séquence spectaculaire du déraillement d’un train dont des wagons, disloqués, laissent échapper les bêtes sauvages du cirque (tigres, lions, éléphants, etc.). Ébloui par le « clou » du film de Cecil B. DeMille, il demande à ses parents de lui offrir un train électrique en guise de cadeau, pour la fête juive d’Hanoucca. Celle-ci se déroule autour d’une table recouverte de victuailles, dans une ambiance joyeuse, avec ses deux sœurs cadettes, Nathalie et Birdie, auxquelles s’est joint « oncle » Bennie (Seth Rogen) un collègue de travail de Burt. Tous deux sont employés chez RCA, une grande entreprise américaine de matériel électronique (postes de radio, postes de télévision, transistors, etc.). Sammy possède désormais son train électrique dont il filme les courses, les déraillements qu’il provoque, grâce à la caméra Super 8 mm prêtée par sa mère. Il ne cesse de photographier le train électrique, sous tous les angles possibles, restituant ainsi en miniature, la séquence inouïe de Sous le plus grand chapiteau du monde.
Mitzi et Burt forment un couple en apparence uni, mais en réalité, très dissemblable : Mitzi est une pianiste classique concertiste qui a arrêté sa une carrière prometteuse, pour élever sa famille. Burt est un ingénieur en électronique de haut niveau dont le parcours professionnel est en ascension. Ainsi, Il est débauché par la Général Electric, trust américain, pour un poste important à Phoenix, dans l’Arizona. La famille Fabelman déménage entrainant avec elle « oncle » Bennie pour un « job » dans la même entreprise que Burt. Les deux hommes s’entendent à merveille.
Sammy est maintenant un adolescent. Avec son groupe de boy-scouts, il réalise des fictions avec sa caméra Super 8 mm, monte avec soins ses courts métrages de tous genres (horreurs, aventures, guerres, westerns, etc.) qu’il projette ensuite devant un jeune public enthousiaste. Il apprend « sur le tas », en autodidacte, la spécificité du langage cinématographique. Son père Burt, tout en reconnaissant l’indéniable talent de filmeur de son fils reste sceptique quant a son avenir dans le métier de cinéaste auquel son fils aspire. Au lycée, les notes de Sammy ne sont pas bonnes …
A la demande de son père, il réalise un film de vacances au camping où toute la famille est réunie avec l’inévitable « oncle » Bennie. Il réalise des séquences sur l’extravagance de sa mère improvisant une danse légèrement vêtue ; la complicité entre son père et « oncle » Bennie ; la joie de ses sœurs (elles sont trois maintenant, un bébé est née dans le New Jersey). Harcelé par son père, Sammy, sur sa petite table de montage Super 8 mm, assemble les rushes de cette escapade. En les visionnant plusieurs fois, il découvre malgré lui, l’inconcevable …
La famille Fabelman déménage de nouveau pour la Californie, état où son père, pionnier de l’informatique, a été embauché par IBM (International Business Machine). Cahin-caha, la famille suit … Sammy entre dans une faculté de Californie …
Avec The Fabelmans, Steven Spielberg (76 ans) signe son 34 ème long métrage depuis le film Duel (1971) à l’origine diffusé à la télévision américaine, puis en 1973 sorti, avec succès, sur nos écrans (Grand Prix du premier Festival international du film fantastique d’Avoriaz). Le jeune réalisateur est à l’origine, dès son troisième film, du premier « blockbuster » : Les Dents de la mer (Jaws) en 1975. Coût total (avec dépassement à cause du requin/robot défectueux et de la météo incertaine) 12 millions $ ; recette monde 267 millions de $ (en France 6,3 millions d’entrées !). Steven Spielberg a, au cours de sa carrière de 50 ans, abordé tous les genres : aventure (Les Aventuriers de l’arche perdue, et ses quatre suites, etc.) ; science-fiction (Rencontres de troisième type, E.T, l’extra-terrestre, A.I Intelligence artificielle, Ready Player One) ; la guerre (1941, Empire du soleil, La Liste de Schindler, Il faut sauver le soldat Ryan, Cheval de guerre ; sociétal (La Couleur pourpre, Pentagon Papers) etc. Un seul n’a jamais été traité : le western, car affirme-t-il faute du bon scénario ! Cependant, en cinq décennies, Steven Spielberg n’a jamais eu, sur ses œuvres, le même regard critique bienveillant à l’instar des « jeunes barbus » qui le précèdent de peu en âge : le trio, Francis Ford Coppola (né en 1939), Brian De Palma (né en 1940), Martin Scorsese (né en 1942). Jusqu’à récemment, il a été considéré comme un habile faiseur de longs métrages grand public. Il est aussi un enfant du « Nouvel Hollywood » qui a vu l’effondrement des « majors companies » et l’arrivée de jeunes réalisateurs doués, car nourris d’images depuis leur enfance (télévision), tout en bénéficiant des découvertes cinématographiques (mise en image, montage, etc.) des pionniers du cinéma américain : Raoul Walsh (1887/1980), John Ford (1894/1973), Howard Hawks (1896/1977).
The Fabelmans et son précédent film West Side Story (2021) ont été deux flops retentissants aux États-Unis. Son unique comédie musicale, est digne de l’original de 1961, car plus proche du spectacle de Broadway et tournée, pour une grande part, en décors naturels alors que l’original l’était, pour une part importante, en studio. C’est un nouveau film ambitieux et non une pâle copie. Lors de la remise de ses prix à la cérémonie des Golden Globes en janvier 2023 (Meilleur film dramatique et meilleure réalisation), Steven Spielberg ému a déclaré que The Fabelmans était son œuvre la plus autobiographique, bien que dans tous ses films on retrouve les thèmes de la famille dysfonctionnelle, l’absence du père, des enfants solitaires livrés a eu même, etc. The Fabelmans est l’histoire en partie fictionnée, co-écrite avec son scénariste Tony Kushner (Munich – 2003, Lincoln – 2012, West Side Story -2021) retraçant à grands traits, celle de la famille Spielberg. Elle se déroule en trois parties : enfance de Sammy, son adolescence, le début de sa vie d’adulte jusqu’à son arrivée au Walhalla : Hollywood dans les studios de télévision Universal. A noter que ce courant de l’autobiographie inspire des cinéastes américains aussi différents que Quentin Tarantino (2021, Once Upon a Time … in Hollywood), Paul Thomas Anderson (2021, Licorice Pizza), James Gray (2022, Armageddon Time).
Avec le concours de son habituel directeur de la photo depuis La Liste de Schindler (1993), Janusz Kaminski, un américano-polonais, la narration visuelle (cadre, lumière) est impressionnante. Par sa magie fluide, nous devinons la triple identité de Sammy : juive, américaine, hollywoodienne. L’impressionnante filmographie de Steven Spielberg, son originalité, sont peut-être une tentative, sans cesse renouvelée, de réconcilier les trois. Le réalisateur n’a-t-il pas déclaré à propos de son dernier opus : « Le cinéma révèle plus de vérité que la réalité elle-même ».
The Fabelmans a obtenu pas moins de sept nominations pour la 95 ème cérémonie des Oscars 2023 dont les prestigieux Meilleur film et Meilleure réalisation. Verdict le 12 mars 2023 !
Jean-Louis Requena