Sortie le 8/08/2018
Film irlando-américain de Haifaa al-Mansour – 120’
Avec Maisie Williams, Elle Fanning, Joanne Froggatt
Par Jean-Louis Requena
Londres 1814. Mary Godwin (Elle Fanning) est une jeune fille de 16 ans qui vit avec son père William Godwin (Stephen Dillane), écrivain politique réputé quoique désargenté, et sa belle mère Mary Jane Clairmont (Joanne Froggatt) et les enfants de celle-ci. Mary Godwin a perdu sa mère quelques jours après sa naissance en 1797 : elle a développé un fort sentiment de culpabilité. Elevée par son père dans le culte de la littérature, elle griffonne des textes hors de son domicile bruyant dans le cimetière de St. Pancras assise sur la tombe de sa mère. C’est une jeune femme jolie, romantique, exaltée, amoureuse des livres (elle le sera toute son existence), que rencontre dans la librairie de son père, un jeune poète Percy Bysshe Shelley (Douglas Booth).
Elle en tombe rapidement amoureuse et sans hésitation décide de s’enfuir avec lui accompagnée de la fille aînée de sa belle mère : Claire Clairmont (Bel Powley). Le trio ainsi formé va vivre durant deux ans (1816 -1818) dans une Angleterre rigoriste, puis en Europe (France, Italie, Suisse, etc.) des aventures et mésaventures rocambolesques. Dans leurs pérégrinations, ils côtoient des personnages illustres qui comme eux, recherchent hors d’Angleterre la liberté, l’émancipation intellectuelle et physique : Lord Byron immense écrivain, (Tom Sturridge), le Docteur John William Polidori (Ben Hardy) chercheur en sciences occultes, etc. Stimulée par ce phalanstère intellectuel, Mary Godwin devenue entre temps Mary Shelley par son mariage (décembre 1816) avec son amant, écrira son premier roman gothique : Frankenstein ou le Prométhée moderne qui sera édité en 1818 à Londres.
Cette première publication sous son nom (d‘aucun pense que cet ouvrage est celui de son mari), inaugurera l’oeuvre foisonnante, buissonnante, de Mary Shelley jusqu’à sa mort en février 1851 à l’âge de 53 ans.
Ce film du genre biopic, concentre fort heureusement, son propos sur deux années (1816 à 1818) de la vie mouvementée, c’est un euphémisme, de l’écrivaine britannique Mary Shelley.
Haifaa al-Mansour (54 ans) est à ce jour l’unique réalisatrice saoudienne. En 2013 nous avions visionné son premier film Wadjda qui narrait l’histoire d’une petite fille saoudienne de douze ans cherchant à acquérir à tout prix un vélo gage de liberté (surveillée !) dans les rue de Riyad, capitale de l’Arabie Saoudite. Son premier long métrage tourné avec peu de moyens (financiers, techniques) nous est apparu comme autobiographique, comme nombre de premier film. Par petites touches malicieuses, il nous décrivait la place de la femme (mère, fille) dans cette société patriarcale où les femmes sont soumises au bon vouloir des hommes sous le fallacieux prétexte de « lois islamistes » : la Charia. Ce pays immensément riche par son sous-sol (le pétrole : aubaine et/ou malédiction) maintient contre vents et marées des us et coutumes de nomades bédouins enrichis.
Nous comprenons dès lors l’engagement de la réalisatrice saoudienne dans ce film à facture classique qui raconte la vie d’une femme écrivain du début de XIX ème siècle laquelle brise les codes de bonne conduite, et demeure jusqu’à la fin de sa courte et tumultueuse existence, vivant de sa plume, une femme libre.
Haifaa al-Mansour jeune fille a suivi des études de littérature comparée à l’université américaine du Caire, puis des études cinématographiques à Sydney, Australie. Ce deuxième film, cinq ans après son premier opus peut se percevoir comme un plaidoyer pro domo prenant appui sur une illustre féministe anglaise : Mary Shelley.
Un soin méticuleux a été apporté à la photo (David Ungaro), aux costumes, etc. Ce long métrage de 2 heures est certes un peu trop prévisible, un peu trop long, mais il peut se regarder comme une allégorie comparée de l’Angleterre enfin victorieuse du continent européen (victoire du 16 juin 1815 à Waterloo sur Napoléon) et maître des océans pour un siècle, et de la péninsule arabique « baignant » dans le pétrole et dispersant ses pétrodollars dans l’économie-monde.
Le poète, Louis Aragon, a écrit « la femme est l’avenir de l’homme ». Ce n’est plus que jamais à l’ordre du jour.