Film français d’Albert Dupontel-95′
Second Tour : Mademoiselle Pove (Cécile de France), est une journaliste « mise au placard » par sa chaîne de télévision. Elle avait la fâcheuse habitude de poser des questions dérangeantes au microcosme politique. Pour l’heure, reléguée au sport, elle couvre les matches de football avec son caméraman, Gus (Nicolas Marié) un passionné de ce jeu. Suite à un accident, une explosion d’une conduite de gaz au passage du cortège du candidat à la présidentielle, elle devient la seule journaliste politique disponible. De mauvaise grâce, le responsable de la chaîne de télévision fait appel à elle. Ses consignes sont strictes : ne poser au candidat que les questions écrites d’avance, puis approuver les réponses sans sourciller. Afin de sortir de son « placard », mademoiselle Pove accepte, accompagnée de Gus.
Le favori à l’élection présidentielle est Pierre-Henry Mercier (Albert Dupontel), novice en politique, de centre-droit, un brillant économiste issu d’une grande famille dominée par la figure imposante de sa mère. Mademoiselle Pove se souvient de lui comme étant, par le passé, son ancien flirt au Lycée Louis le Grand. Elle se remémore son attitude d’alors : il paraissait moins lisse, en contradiction avec sa posture de favori aux élections présidentielles. Avec la complicité de Gus, elle remarque, au visionnage des rushes de la conférence de presse du candidat, qu’il est entouré de personnes étranges : son garde-corps Lior (Uri Gabriel), un colosse à la mine patibulaire avec qui il devise en roumain, des personnalités connues pour leur engagement sociétal tels : le juge Renaud (Renaud Van Ruymbeke !), des militants écologistes, des scientifiques renommés, etc.
Avec l’aide débrouillarde de Gus, mademoiselle Pove tente de percer le secret de ce candidat bien trop parfait en passe d’être élu Président de la République Française …
Dès son premier opus Bernie (1996), Albert Dupontel (59 ans) nous propose à travers ses longs métrages, huit à ce jour, un univers drôle et grinçant. Le burlesque, assumé par le réalisateur, scénariste de tous ses films, n’exclut pas l’étrange lucidité qui s’instille dans ses apologues. Albert Dupontel n’hésite pas à grossir les traits de ses personnages, toujours victimes récalcitrantes d’une société infernale : 9 mois ferme (2013), une juge célibataire enceinte, malgré elle, d’un petit délinquant ; Adieu les cons (2020), le duo improbable d’une coiffeuse et d’un informaticien unis dans la quête d’un enfant perdu. Ce film est le grand vainqueur de la cérémonie des Césars en 2021 (7 prix dont celui de la meilleure réalisation, meilleur film, meilleur scénario, etc.). La remise des récompenses s’est déroulée en absence (remarquée !) du metteur en scène !
Second Tour peut être résumé comme une fable sur le monde politique dont les parcours des politiques de haut rang sont balisés, bornés. Il est hors de question pour des candidats de sortir du chemin tracé par eux-mêmes, par leurs amis politiques et naturellement par les lobbyistes (groupes de pression amicales ou non !) qui forcément l’entourent. Même en étant un outsider, comme Pierre-Henry Mercier, on n’échappe pas à la règle : un impétrant doit se conformer à la ligne tracée. Gare à toute déviation !
Albert Dupontel a déclaré à plusieurs médias s’être inspiré du destin tragique de Robert Kennedy (1925/1968) assassiné presqu’au terme de sa campagne présidentielle aux États-Unis. Les vrais commanditaires de l’assassin n’ont jamais été identifié. Le traitement scénaristique de cette histoire tragique par Albert Dupontel, un rien rocambolesque, est saupoudré d’humour tantôt fin, tantôt potache. C’est sa marque de fabrique.
Curieusement, Second Tour a déplu en général, à la critique spécialisée qui a sans doute été dérangée par les outrances, les invraisemblances, çà et là, dans le récit de cette ascension vers le poste ultime en démocratie : Président de la République. Des grincheux à qui l’univers délirant des Monthy Python’s, Flying Circus (BBC, 1969/1974) échappent. C’est bien dommage. Au demeurant, Second Tour est, comme les précédentes œuvres d’Albert Dupontel, fort bien.