Quand vient l’automne
Film français de François Ozon-102’
Quelque part en Bourgogne, dans une bourgade près d’Auxerre, vit Michelle (Hélène Vincent) une paisible retraitée, un peu bigote, dont la meilleure amie, de même, est Marie-Claude (Josiane Balasko). Ensemble, l’automne arrivant, elles parcourent les sous-bois environnants à la recherche de champignons. Marie-Claude est une experte en cueillette, Michelle pas du tout. Cette dernière brûle d’impatience : elle attend l’arrivée de sa fille Valérie (Ludivine Sagnier) accompagnée de son jeune fils Luca (Garlan Erlos). Ce dernier est ravi de passer ses vacances scolaires avec sa grand-mère maternelle ; sa mère nerveuse, très affectée par un divorce difficile, beaucoup moins. Elle se montre agressive avec sa mère à tout propos, laquelle tente, vainement, de temporiser.
Michelle, bonne camarade, accompagne en voiture Marie-Claude à un centre de détention où est emprisonné son fils Vincent (Pierre Lottin) qui a « fait une bêtise ». Michelle minimise le délit et décrit Vincent comme un bon garçon qui reprendra, à sa libération, « le droit chemin ». Marie-Claude est dubitative, l’environnement de Vincent, une fois libéré, sera forcément toxique : les copains …
Pour le déjeuner de sa fille, Michelle a préparé une poêlée de champignons. Elle même n’en mange plus, son petit-fils n’aime pas ce mets, mais Valérie, qui l’adore, en redemande.
Valérie est empoisonnée par les champignons qu’elle a été seule à manger. Elle est hospitalisée d’urgence : son cas est sans gravité. Un simple lavage d’estomac suffira lui affirme-t-on à l’hôpital. Michelle est catastrophée par cet incident. Devient-elle sénile ?
Une courte enquête des gendarmes conclue à un banal accident. Mais est-ce la vérité ? Accident ou intention ? Michelle et son amie Marie-Claude, au demeurant vieilles dames dignes, ont un passé tourmenté …
Quant vient l’automne est le 23ème long métrage de François Ozon (56 ans) en … 25 ans. Un rythme filmographique peu égalé dans l’univers cinématographique mondial depuis la disparition des studios californiens (les Big Five : Paramount, Colombia, Warner.Bros, etc.) dans les années 1970, lesquelles salariaient leurs metteurs en scène à une cadence de 2 à 3 films par an ! François Ozon est non seulement un réalisateur prolifique, mais également un scénariste (souvent assisté par Philippe Piazzo pour la structure du récit), et son propre producteur. En 2003, il fonde sa société de production FOZ qui coproduit ses films suivant un modèle économique assumé : budget serré, décors simples, tournage rapide, sujets contemporains (sans costumes !), etc. Ainsi, cette structure de travail lui permet une production filmique soutenue.
François Ozon, ancien élève de la FEMIS (promotion 1994), a réalisé, dès 1998, son premier long métrage après une vingtaine de courts et moyens métrages. C’est un « filmeur » (souvent comparé à l’américain Woody Allen : 50 films en … 50 ans !) qui maitrise la totalité de la fabrication d’un film : pitch, scénario, tournage, montage et financement (en participation). Aussi est il un artiste libre échappant aux diktats des financiers ce qui lui permet de produire quasiment un film par an.
La prolixité de François Ozon ne se réalise pas aux dépends de la qualité, constante, des œuvres qu’il nous propose : Grâce à Dieu (2018), Eté 85 (2020), Mon crime (2023) (critique Baskulture mars 2023), pour ne citer que les dernières, aux sujets, en apparence très différents (une affaire de mœurs au sein de l’église, la découverte de l’amour, un vaudeville policier). Cependant ses œuvres ont des thématiques récurrentes : la sexualité, l’ambivalence, la subversion des normes sociales ou familiales. Le réalisateur « joue » avec les limites (souvent dans l’humour ou la dérision) tolérées par notre société libérale en les déplaçant plus avant. Il franchit les lignes de l’admissible sans sombrer dans la provocation facile. Chez lui tout est maitrisé de la fabrication globale du film aux choix et aux jeux des acteurs (interprétation). A ce propos, il est fort rare de voir dans le cinéma français deux comédiennes d’un certain âge Hélène Vincent (81 ans, née en 1943) et Josiane Balasko (74 ans, née en 1950) incarner les personnages principaux d’un même long métrage d’autant plus qu’elles sont issues de deux mondes artistiques différents : Hélène Vincent du théâtre subventionné des années 70/80 (Patrice Chéreau, Jean-Pierre Vincent, etc.), et Josiane Balasko de la troupe du Splendid !
Après Mon crime (adaptation d’une pièce de boulevard), François Ozon souhaitait retrouver les thèmes de la culpabilité et du meurtre sous un autre ton, une atmosphère dit-il à la Simenon (Georges Simenon 1903/1989). Il déclare également : « Mais le désir premier était avant tout de filmer des actrices d’un certain âge. De montrer la beauté des rides sur leurs visage, faites du temps qui passe et leur expérience de la vie. ». A cet égard, les deux comédiennes sont parfaites interprétant, à l’unisson, la note juste. N’oublions pas dans un rôle ingrat Pierre Lottin (Vincent, le fils dévoyé de Marie-Claude) au jeu subtil et ambiguë qui a obtenu la Coquille d’argent du meilleur second rôle au Festival de San Sébastian 2024 ! De surcroit, Quand vient l’automne a été récompensé du Prix du jury du meilleur scénario pour François Ozon et Philippe Piazzo. Notons qu’habitué de ce célèbre festival, le réalisateur glane, à ce jour, pas moins de quatre récompenses : Le Refuge (2009), Dans la maison (2012) Coquille d’or et prix du jury pour le meilleur scénario (déjà !), et Une nouvelle amie (2014).
« Quand vient l’automne » est du cinéma friandise à consommer sans modération.