Sortie le 17 octobre 2018
Film américain de Damien Chazelle – 138’
Avec Ryan Gosling, Claire Foy.
Par Jean-Louis Requena
Base Edwards 1961 (Californie – Désert des Mojaves). Peu à peu l’écran s’éclaire et un tintamarre métallique, assourdissant, retentit : l’avion fusée North American X-15 grimpe hors de la stratosphère piloté par Neil Armstrong (Ryan Gosling). Des bruits inquiétants de grincement, de torsions envahissent le cockpit. Neil Armstrong tente tant bien que mal de maîtriser l’engin : il plonge vers la terre quand soudain il remonte rebondissant sur l’atmosphère terrestre. C’est un ingénieur consciencieux mais un pilote d’essais distrait selon ses supérieurs. En septembre 1962, il est le premier civil à intégrer le deuxième groupe d’astronautes de la Nasa (The New Nine – Les neufs nouveaux) en vue des missions Gemini. Sa vie familiale semble réglée, quoique tendue. Il est marié depuis 1956 avec Janet (Claire Foy). Le couple a trois enfants : Eric, Karen et Mark. Karen souffrant d’une tumeur maligne du cerveau meurt en janvier 1962 laissant ses parents dévastés par le chagrin.
Renfermé, mutique, mais déterminé à accomplir sa mission, Neil Armstrong s’entraîne sans relâche pour le programme Gemini qui doit permettre aux astronautes américains d’effectuer de longues orbites autour de la terre et toute sortes de missions périlleuses (amarrage, sorties dans l’espace, etc.). Une compétition spatiale acharnée se livre entre les États-Unis et l’URSS. Cette dernière a marqué tous les points depuis le premier vol du Spoutnik (octobre 1957), puis de celui de Gagarine (Avril 1961), etc. Les États–Unis humiliés veulent reprendre la main et affirmer leur suprématie spatiale validant ainsi le discours mythique du Président Kennedy (septembre 1962) : être les premiers hommes sur la Lune avant la fin de la décennie.
Pour réaliser ce projet titanesque, dans cette course éreintante, des milliards de dollars sont investis au profit de la NASA. Des américains grondent, manifestent face à ses dépenses somptuaires alors que le pays est engagé dans une guerre lointaine, le Viêt-Nam, et que les classes sociales défavorisées sont abandonnées à leur sort peu enviable.
Nous connaissons la suite de l’histoire : le 16 juillet 1969 l’équipage d’Apollo 11 comprenant Neil Armstrong (commandant), Buzz Aldrin et Michael Collins décolle de Cap Canaveral (Floride). Le 20 juillet le module lunaire Eagle atterrit dans la mer de la Tranquillité. Le 21 juillet Neil Armstrong pose son pied gauche sur le sol lunaire : c’est le premier homme sur la lune.
First Man, le Premier Homme sur la Lune narre cette épopée sur deux versants : le spatial, spectaculaire, dangereux et l’intime familial aimant, souffrant.
Après l’énorme succès commercial de La La Land (2016) et sa pluie de récompenses, le jeune réalisateur franco-américain Damien Chazelle (33 ans) a eu toute latitude pour réaliser ce film ambitieux à gros budget. Certes, l’histoire de Neil Armstrong est « lissée » dépourvue d’aspérités, comme semble-t-il était sa vraie personnalité (ses collègues le surnommaient « mister cool »), de surcroît sa courte carrière d’astronaute est connue : la réussite de la mission Apollo 11. En maintenant dans son film un équilibre scénaristique entre vie professionnelle et vie privée, Damien Chazelle parvient à nous intéresser durant deux heures vingt à un personnage taiseux, besogneux, sans relief, qui semble ne jamais se départir d’un certain détachement, mais candidat idéal pour la mission périlleuse qui lui échoit.
En outre, ce blockbuster est intéressant par les partis pris du metteur en scène et de son équipe technique : Les décors ont été construits à l’identique des engins spacieux de l’époque (étroits, inconfortables, encombrés d’écrans lumineux, etc.). Peu d’effets spéciaux, juste le nécessaire à la compréhension de l’action ; un traitement astucieux des images vues par les astronautes à travers les hublots des différents vaisseaux spatiaux. Autre trouvaille sonore : le son assourdissant lors du décollage de la fusée Saturne et l’étrange silence lors de l’alunissage. Ainsi, mesurons nous, l’importance de la bande son au cinéma et ici particulièrement celle des bruitages d’ambiance qui renforcent nos ressentis sur ces aventuriers cosmiques (ils risquent de ne pas en revenir !) sanglés dans des capsules en acier bruyantes et inconfortables.
Le film est d’une tonalité politique certes prudente alors que les États-Unis d’alors étaient en « ébullition » (problème des noirs, Guerre du Viêt-Nam, libération sexuelle, etc.) mais reste un bon spectacle prenant qu’il est préférable de visionner dans une salle dotée d’un grand écran et d’une bonne sonorisation.