Film coréen d’Hirokazu Kore-eda – 129′
avec Song Kang-ho, Bae Doona, Ji-eun Lee et Gang Dongwon.
Une ville, sous une pluie diluvienne, en Corée du Sud. Une jeune femme So-young (IU) dépose, après un moment d’hésitation, son nouveau-né au pied d’une « boîte à bébé ». Elle griffonne un petit mot « je reviendrai ». Dans certain pays d’extrême orient (Japon, Corée du Sud) des parturientes peuvent ainsi abandonner leur nouveau-né dans des espaces qui leur sont dédiés (En France cette coutume ancestrale n’est pas nécessaire car une femme peut accoucher sous X et abandonner l’enfant dès sa naissance). Deux policières la capitaine Soo-jinn (Bae Doona) et son adjointe l’inspectrice Lee (Lee Joo-young) surveillent, de leur véhicule, la scène à la jumelle. Elles traquent les réseaux de trafic d’enfants qui sévissent dans la société coréenne. La capitaine Soo-jinn, après le départ de So-young, récupère le bébé sur le parvis de l’église et le dépose dans la « boîte à bébé ». Deux hommes, Sang-hyeon(Song Kang-ho) et son complice Dong soo (Gang Dong-won) s’en emparent aussitôt avec précaution : le nourrisson a l’air en bonne santé.
Sang-hyeon tient une petite boutique de blanchisserie. Vivant chichement, endetté, il est harcelé par un jeune mafieux : il doit rembourser ses dettes sous peine de violence à son égard. Avec son jeune acolyte, il décide de vendre le bébé au marché noir de l’adoption lequel est florissant. Les millions de wons (monnaie coréenne) qu’ils espèrent ainsi obtenir lors de la vente du nourrisson serviront à solder leurs dettes et vivre, enfin, plus confortablement. Ils sont toujours surveillés par les deux policières qui soupçonnent les deux compères ; elles veulent les arrêter en flagrant délit lors d’une transaction. So-young, la jeune maman rongée par la culpabilité parvient a retrouver la trace de son enfant. Au terme d’un échange avec les deux complices, elle finit par accepter de vendre son nouveau-né mais en exigeant de participer activement à la recherche de ses nouveaux parents, fortunés si possible, dans d’autres régions de la Corée du Sud.
Sang-hyeon, Dong soo, So-young et le nourrisson s’entassent dans un van défraîchi et partent vers d’hypothétiques rendez-vous afin de négocier la cession du bébé. Ils sont suivis à la trace par les deux enquêtrices … Un long voyage commence …
Les Bonnes Etoiles est le quinzaine long métrage du japonais Hirokazu Kore-eda (60 ans), réalisé d’après son propre scénario. Cette œuvre a la particularité, rare, d’être crée par un japonais avec des acteurs coréens dont il ne parle pas la langue ! Bien que proches géographiquement, les deux cultures, japonaise et coréenne, sont dissemblables. Le Japon est à jamais un pays insulaire, isolationniste, avec ses propre caractéristiques ; la Corée du Sud (52 millions d’habitants) est un appendice du continent asiatique où la Chine voisine, par son immensité, sa démographie (1,4 milliards d’habitants !), domine. Les Bonnes Etoiles narre, de nouveau, une histoire de famille inattendue, ou reconstituée accidentellement, après Nobody Knows (2004) sur un groupe d’enfants abandonnés par leur mère ; Still Walking (2008) sur le quotidien d’une famille ordinaire après le décès d’un enfant ; Tel père, tel fils (2013) réflexion sur la paternité ; enfin, dans la même veine de chronique familiale, Une affaire de famille (2018) sur le quotidien d’une parenté pauvre, modeste, laquelle recueille une enfant battue, un soir d’hiver, lui offrant, dans un espace réduit, amour et tendresse. Cette œuvre a été couronnée au 71 ème Festival de Cannes (2018) par la récompense suprême : la Palme d’or ! La même année, le Festival international de San Sébastian décerne au réalisateur japonais, un prix Donostia pour l’ensemble de sa carrière, à l’époque riche de treize longs métrages.
Hirohazu Kore-eda a commencé sa carrière cinématographique dans le documentaire avant de diriger, en 1995, son premier film de fiction : Maborisi. Depuis lors, il est régulièrement primé dans de nombreux festivals internationaux (Festival de Cannes, Festival de San Sébastian, Festival de Marrakech, etc.). Rédacteur de tous ses scénarios, « nourri » de sa première carrière de documentariste, observateur critique de la réalité sociale, il écrit et filme ses personnages dans leur complexité, aux comportements jamais manichéens. Il ne juge ni ne surplombe jamais ces derniers par une quelconque rigidité morale ; il ne nous assène pas de jugement définitif sur eux ; Il les observe se démener, tant bien que mal, dans un écosystème défini : la famille décomposée, recomposée, dans toute la diversité des situations qui en découlent. C’est souvent une chronique familiale décrite avec humanité, sans animosité, pour ses personnages victimes, non consentantes, de la violence sociétale. Citons le réalisateur : « Les Bonnes Etoiles est un film dans lequel j’ai voulu regarder la vie bien en face et, en me glissant dans la peau des personnages, faire parvenir clairement ma propre voix ».
Les Bonnes Etoiles a été présente en sélection officielle au Festival de Cannes 2022. L’immense acteur coréen, Song Kang-ho, y a obtenu le prix d’interprétation masculine.
Jean-Louis Requena