Tatami

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affiche film tatamiTatami

Film américano-géorgien de Zar Amir Ebrahimi et Guy Nattiv-103’

En février 1979, le Shah d’Iran, Mohammad Reza Pahlavi (1919/1980) est chassé de son trône, laissant vacant le pouvoir autocratique qu’il exerçait, succédant à son père, Reza Chah (1878/1944), depuis 1941. Un nouveau régime islamiste s’installe, dirigé par le « Guide Suprême » L’ayatollah Rouhollah Khomeini (1902/1989) qui, avec l’appui de ses affidés, des mollahs (clergé d’obédience chiite), proclame la République islamique d’Iran. Le préambule de la nouvelle Constitution entérine la biologisation de la femme dont le rôle n’est plus valorisé qu’au travers, et en référence, à la famille. La femme iranienne libérée sous le régime autoritaire mais « progressiste » du Shah devient, sous l’idéologie religieuse des mollahs, une catégorie inférieure de la population iranienne : des mères de famille sous contrôle (mari, police des mœurs, etc.), des ventres féconds cloîtrés. En 1983, le Parlement promeut une loi qui punit les femmes ne portant pas le voile de coups de fouet (74 !) ; puis en 1995, aggravant les peines encourues, elles deviennent passibles d’emprisonnement (10 à 60 jours !). Malgré ces lois liberticides, les jeunes femmes iraniennes éduquées luttent contre cette discrimination, noyau dur de l’identité du régime : la femme musulmane se doit d’être vertueuse et modeste. De fait, infantilisée.

La judoka iranienne Leila Hosseini (Arienne Mandi), participe aux championnats du monde à Tbilissi, capitale de la Géorgie. Avec l’aide de son entraîneuse attitrée, Maryam Ghanbari (Zar Amir Ebrahimi) elle vise la médaille d’or. En forme, doté d’un mental d’acier, elle gagne les premiers combats sous les vivats de son mari Nader (Ash Goldeh), de son jeune fils, et de sa famille restés à Téhéran. Durant le tournoi, Maryam reçoit un appel d’une autorité de la fédération des sports iranienne lui demandant de retirer Leila de la compétition. Elle reste abasourdie, mais temporise.

Les combats se succèdent. La pression des autorités iraniennes s’accentue : Leila risque de combattre la favorite du championnat, Shani Lavi (Lir Katz), une israélienne …

Tatami est un long métrage réalisé par un couple inédit au cinéma : l’actrice, productrice et directrice de casting Zar Amir Ebrahimi (43 ans) prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes pour Les Nuits de Mashhad (2022), iranienne naturalisée française en 2017 (elle a fui le régime des mollahs après le piratage et la diffusion d’une sextape), et le réalisateur israélien Guy Nattiv (51 ans). La franco-iranienne Zar Amir Ebrahimi a été directrice de casting sur ce projet (elle est polyglotte et parle couramment 7 langues dont le français !), ainsi elle a rencontré lors des castings d’acteurs, le réalisateur israélien. Dans leur note d’intention sur Tatami, les deux déclarent : « Nous avons voulu faire de cette collaboration artistique et cinématographique un hommage à ces artistes et athlètes, et à tous ceux qui se battent pour dépasser la folie de la haine aveugle et du désir de destruction mutuelle, et qui, en dépit des épreuves, aspirent à bâtir un avenir ensemble ».

Tatami a été tourné après la naissance du mouvement « Femme, vie, liberté » et les manifestations des iraniennes qui à compter de septembre 2022, ont secoué le pays après la mort de Mahsa Amini (22 ans), arrêtée par la police des mœurs pour « port de vêtements inappropriés ». Dans sa structure narrative, ce long métrage obéit aux « règles des trois unités » du théâtre classique français du XVIIème siècle : unité de temps, l’action se déroule, mis à part quelques inserts (courts flash-backs) en une seule journée (les combats dans le dojo) ; unité de lieu, le drame est circonscrit dans le palais des sports de Tbilissi ; unité d’action principale (combats de judokates), développée du début à la fin avec des actions accessoires (pressions des autorités iraniennes) lesquelles nourrissent ainsi l’action principale. Citons Nicolas Boileau (1684/1711) qui dans L’Art poétique (1674) résume, en vers, ces contraintes :

Qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli
Tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli.

D’évidence, Les coréalisateurs ont été influencé par deux œuvres dans leurs choix artistiques (images en noir et blanc) et par l’apprêté, la précision, des mises en scène : Raging Bull (1981) de l’italo-américain Martin Scorsese, et La Haine (1995) du français Mathieu Kassovitz. Le sentiment d’étouffement, d’oppression, dans Tatami est accentué par le choix judicieux d’un format carré (image 1.33 :1), d’une image noir et blanc crayeuse et d’une bande son angoissante (bruitage, musique).

Tatami est une sorte de thriller politique soutenu par une mise en scène élaborée adossée à un scénario sans faille dont les péripéties ne nous laissent aucun répit. De surcroît, c’est une réflexion sur la position de la femme dans la société islamique iranienne quel que soit son statut personnel, sa notoriété. Elles doivent se soumettrent aux diktats des mollahs. Tatami bénéficie de deux actrices investies : l’américaine Arienne Mandi (Leila Hosseini) d’origine irano-chilienne, et la franco-iranienne Zar Amir Ebrahimi (Maryam Ghanbari) à la fois devant et derrière la caméra.